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15 octobre 2008 3 15 /10 /octobre /2008 12:28

CAROLINE

 

Quand faut y aller…nous….on y va … !

 

Après beaucoup d’hésitations, adieu mari, enfants, Pays Basque… et nous voilà dans l’avion direction Marrakech sans trop comprendre ce qui nous arrive.

Après un long voyage en bus à travers l’atlas, nous arrivons à Agdz, petit village du sud marocain, aux portes du désert…. D’ailleurs la chaleur est bien au rendez vous. D’emblée, les différences nous assaillent : couleurs, odeurs, mode de vie aux antipodes des nôtres. Nos certitudes vacillent…

 

L’accueil dans les familles :  enchantée...

 

Une famille berbère m’accueille dans sa maison. Il s’agit d’une partie de la ville composée de maison en terre dont les terrasses en hauteurs communiquent et on peut ainsi se déplacer par les toits pour se rendre chez un voisin.

Il est tard, j’ai envie de dormir, on m’a servi du thé des gâteaux, j’ai sommeil, mais je ne savais pas qu’après la prière  vers 23h, en fait on mange ! Premier repas autour assis autour d’une table basse, les hommes mangent à part. On me donne une cuillère mais zut, je me suis trompée de main, c’est avec la droite !

On me tend le verre où tout le monde boit, que faire, on m’a conseillé de ne boire que de l’eau en bouteille, mais refuser est trop difficile, je ne veux pas les vexer. De toute façon, au cours du séjour, il fera tellement chaud que j’ai bu pratiquement tout ce que l’on me propose : thé, eau coca…

Où est la douche ? Ah, c’est dans les toilettes avec un seau. Enfin, on m’installe un drap sur le tapis et je peux enfin dormir à la belle étoile.

 

Au fil des jours je découvre nos différences : d’abord enchantée  par l’accueil qui m’est réservée, je m’enthousiasme sur leur mode de vie. Prise en charge par les femmes de la famille, je vais avec elles boire le thé chez les voisines, m’installe de longs moments sur le tapis, bercée par leur conversation. On essaie de se comprendre, une ou deux parlent un peu le français. On s’explique par des gestes et les fous rires arrivent. Un soir, je rentre du stage, la gamine m’attend me prend par la main et m’entraine je ne sais où. Quelques rues après, elle me pousse dans l’entrée d’une maison emplie de femmes. Une me guide jusqu’à une autre et ainsi de suite, la maison est pleine à craquer et je me retrouve au beau milieu de la cour centrale. Ouf, je reconnais Neîma, elle rigole de ma tête ahurie, en fait je suis en plein dans une soirée réservée aux femmes lors d’un mariage. Les tambourins résonnent, elles tapent dans leurs mains. C’est beau de voir toutes ces femmes dans des robes magnifiques, avec leurs plus beaux foulards. C’est un océan de couleurs. D’un coup, je réalise, je suis en jean et t-shirt manches courtes, la tête découverte. D’ailleurs, bon nombre de regards sont braqués sur moi, de la curiosité mêlée à de l’amusement dans leurs yeux. Je murmure à Neima : je ne suis pas habillée comme il faut, je n’ai pas de foulard. Elle me sourit : « ce n’est pas grave, ici tu es mon amie… » Merci Neima.

Je suis touchée par la solidarité et la convivialité qui règne ici. Je retrouve cette notion de temps. Le temps de ne rien faire, le temps de se laisser porter… Moi qui suis mère de famille avec de prime un travail, j’ai l’habitude de gérer, de contrôler les événements. Ici, je suis dans un autre monde, j’ai perdu mes repères.

 

Ah ! L’interculturel….

 

Au début, j’avoue que cela  a été très dur, cette sensation de ne plus rien maitriser. Que ce soit auprès de ma famille, qui se débrouille très bien sans moi à mille kilomètres ou bien ici chez mes amis marocains qui me prennent complètement en charge. Puis peu à peu, je me laisse happée par ce rythme, calme et lent où l’on n’a peu de prise sur les événements. Des situations qui en France m’aurait fait bouillir de colère, me laissent ici plus sereine. Un exemple : les spectacles que nous devront jouer doivent se produire en fin d’après midi, nous ne les jouerons jamais avant 23 heures au moins…

C’est un aspect du séjour qui m’a le plus marqué et aussi changé. Notre façon de vivre à nous, souvent pressés, dans l’activisme et la consommation, je me suis promis de garder de cette expérience cette façon de se laisser porter, de faire confiance, de vivre le temps.

 

Les dures réalités d’ici et de là-bas

 

Mais ce coté agréable de leur vie communautaire a vite révélé son autre face. La réalité de la condition féminine notamment m’a émue profondément. Que ma vie de femme et de mère est à l’opposé de la leurs ! Je prends pleinement conscience de la liberté que j’ai et du devoir de la préserver. En effet, ces femmes sont sous l’emprise de leurs maris et de la société, elles sont là pour servir leurs maris et élever leurs enfants. Pas question de faire des études, elles n’ont pas accès à la culture. De même, leurs sorties se limitent aux proches voisinages. Parler de weekends, de vacances, de voyages ?  Un jour lors du stage, nous devions mimer deux clowns en voyage. Nos deux stagiaires marocaines sont certes parties…mais travailler dans le village voisin !

Un autre fait révélateur de cette situation se passe un soir : je me rends à la fête du quartier voir un de nos amis marocain qui doit se produire avec son groupe. Arrivé là, quelle surprise, les hommes sont assis sur un tapis, les femmes sur un autre à l’opposé.  Personne ne danse, personne n’applaudit…

 

Le stage proprement dit

 

 Nous avons commencé par apprivoiser notre clown. Jean Pierre me donne un nez rouge et voilà, je suis qui maintenant ? Un peu moi-même, un peu différente…. Je découvre peu à peu ce plaisir de faire rire, moi qui suis plutôt de nature réservée. Le clown est aussi là pour dire des choses, à sa façon, sensible, émotive, triste ou joyeuse mais jamais méchante. D’ailleurs,  un jour il m’a été utile. Lors du repas du midi, un des participants marocain me dit de façon très sérieuse que les femmes sont inférieures aux hommes. Pour lui, c’est un état de fait et rien ne peut le faire changer d’avis. Sa position m’agace certes mais je vois bien que la discussion ne mène nulle part. L’après midi, je me retrouve avec lui dans un exercice de clown. Les consignes sont simples. Un clown, ce sera moi, entre sur scène et attend. Quelques minutes après, l’autre clown arrive et arrive ce qui doit arriver. Sans l’avoir calculé, je me trouve à faire la fiancée offensée qui attend son promis. Et au fil de jeu, il se mettra à genoux devant moi, m’offrant tout ce qui lui tombe sur la main pour se faire pardonner ! 

 

Déambuler dans les rues du village !

 

Mais le moment le plus fort reste la déambulation. Nous avons passé quasiment trois heures en clown à défiler avec les associations locales. Quel plaisir et que d’émotions ressenties alors ! Voir les sourires des enfants et adultes, leurs regards étonnés et ravis, on est vraiment dans le plaisir de don et de l’échange.

 

Le « Théâtre Images » et le « Théâtre Forum »

 

Ce qui m’a toutefois le plus plu est le théâtre image et forum. J’ai vite compris l’intérêt de se servir aussi du clown dans ses techniques. J’ai endossé le rôle d’une femme soumise à un mari violent et dont la fille essaie de se rebeller. La mère ne l’aide pas, elle l’incite même à accepter sa condition en finissant sur un résigné : ma fille c’est comme ça la vie. En travaillant les personnages et en observant la réalité des femmes la bas, j’ai pu commencer à comprendre cette acceptation de leur sort, chose qui nous paraissent à nous tellement insupportable. Les préjugées et tabous sont tellement nombreux là bas, mais il ne suffit pas de juger pour faire avancer les choses. De vivre cette situation par le théâtre m’aidera certainement dans mon travail d’éducatrice afin de mieux saisir appréhender certaines situations difficiles.  

Les représentations

 

Nous avons donné trois représentations, la première fut terrible : je jouais du coté où étaient assis les hommes et j’ai ressenti avec force leur hostilité. Je voyais bien qu’ils étaient d’accord avec l’homme qui était mon mari dans la pièce. J’étais tellement déroutée que je me suis trompée dans ma réplique. Merci à mon collègue marocain d’avoir rattrapé cela !

Les deux dernières se sont bien mieux passées et j’ai pu observer l’impact que pouvait avoir cette forme de représentation.

 

Je n’oublierai pas nos discussions et les débats que cela à engendrer. 

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